God save the gouines.

Coïncidences.

Au pays des aveugles les borgnes sont rois, et j'ai toujours bien aimé mon look bandeau sur l'œil façon pire rate de sa mère.
Souvent je me dis que mes humeurs sombres vont de pair avec un excessif manque de sommeil dû à mes insomnies aussi redondantes que rédhibitoires. Ce qui est sans doute vrai. Tout en refusant résolument de croire au sacro-saint Destin au profit d'un nébuleux hasard, force m'est de constater qu'il y a parfois des signes qui ne trompent pas.

Vingt mètres à marcher pour aller jusqu'à chez S. Vingt mètres et encore, je suis bien gentille : ayant toujours fait preuve d'un talent certain pour choisir mes logis, il allait de soi que chacune de mes fréquentations se devait d'être sise à quelques pas à peine de mon futur ex antre. Disons quinze mètres, donc : pas la mer à boire ni la fin du monde. Fort peu dignement chargée d'un énorme sac rempli d'un bordel hétéroclite et innommable, je m'abstenais pour une fois de tenir mes vilains doigts entrelacés dans ceux de ma Femelle-en-titre (MAL), ce qui devait logiquement me garantir une tranquillité dont j'ai depuis longtemps renoncé à bénéficier en affichant cette tare chronique que nous autres mal baisées, délaissées de la divine Queue brandie avec fierté par la gent masculine et frustrées notoires de la vie nous devons bien de supporter (à tort) en attendant la visite salvatrice de Sainte-Bite en personne. Et bien NON, que nenni, de tranquillité il n'était pas question ce jour-là puisqu'à peine sorties de la cage d'escalier voilà t-y pas qu'un petit rassemblement de quatre tronches de pet abruties squattant gaiement en bas de la boutique à junk food locale se met à nous apostropher bruyamment (bien que tardivement, histoire qu'on se soit tout de même un peu éloignées) de divers sobriquets sensés saluer une laideur que je m'efforce encore de percevoir chaque jour que Dieu fait sur le corps de ma douce et dans le large miroir de ma salle de bain. Aussi sale soit-il et aussi peu canon sois-je, je n'arrive pourtant pas à y discerner de défaut physique particulier pouvant susciter une horreur abyssale de la part de quiconque aurait l'idée saugrenue de me contempler quelques instants (quant à L., inutile de dire que son statut la propulse sans conteste au grade de plus belle créature du ciel et de la terre). Mais ce jour-là, le tout puissant Mâle en groupe avait parlé, et aussi arriéré chacun des membres dudit troupeau semblait-il, aucun n'aurait remis en question les fondements mêmes de la véracité des qualificatifs précités bien que non explicités. Rien de nouveau sous le soleil. Agaçant toutefois. J'ai failli en lâcher mon sac pour faire demi-tour et aller en tarter un au hasard (en plein jour, le risque n'était pas grand), mais un je-ne-sais-quoi m'a retenue, sans doute la crainte de me mettre à chialer de colère frustrée et par là même d'avoir l'air ridicule. Un autre jour, plus tard, très prochainement, il y en aura un qui paiera pour les autres, ce qui ne changera rien à ma triste condition mais aura au moins le mérite de me soulager très brièvement.
Lundi soir, au cours d'une bonne bouffe très largement arrosée chez quelques connaissances : des amis masculins se mettent gentiment à parler de ces rares mais visiblement traumatisantes agressions dont ils sont parfois victimes en traversant les ZUP du secteur, pauvres petits êtres qu'ils sont. Expliquer qu'il m'arrive quotidiennement la même chose en allant chercher mon Coca au Monoprix m'aura juste fait passer pour une hystérique apeurée par un peu tout et n'importe quoi. Merci les gars.
Quelques heures plus tard, la conversation dévie sur le système, comment il est moche et pourri et abusé et que le gouvernement Sarkozy c'est trop de la merde tu vois et que c'est scandaleux que quand t'es un groupe de djeun's beurrés dans les rues à quatre heures du mat on puisse te demander tes papiers comme ça, sans sommation. D'où retour de l'hystérique en force. Bon alors les gars, de deux choses l'une. Primo, c'est NORMAL qu'on vous demande vos papiers quand vous êtes murgés dehors à pas d'heure, et il suffit bien souvent de les donner sans faire d'histoire pour avoir la paix : évidemment, quand on tient absolument à faire le kékos devant ses potes en grognant noms d'oiseaux divers et autres "nique la police" en refusant plus ou moins (généralement en fonction du taux l'alcoolémie) d'obtempérer comme ils disent, faut pas s'étonner de se retrouver emmerdés après. Secundo, ça vous va bien de piailler après tout et n'importe quoi en oubliant totalement que la merde, c'est un peu vous et moi et tout le monde qui l'avons voulu : ça a bien arrangé tous les futurs bacheliers que le niveau du bac soit revu à la baisse jusqu'à se retrouver largement inférieur au Certificat d'études (ancêtre du Brevet des collèges) de nos aïeux, ça arrange bien tous les étudiants que les licences, les masters, les diplômes divers et variés soient bradés tous les ans, ça arrange bien tout le monde que des sessions de rattrapage soient mises en place par dessus le marché pour repêcher les feignasses-lents à la comprenettes-perdus pour la science qui savaient pertinemment qu'ils n'auraient pas besoin de travailler pour obtenir leur jolie feuille jaune-orangée, et tiens, ça arrange bien aussi les parents, qui peuvent croire sans honte que leurs petits chéris sont des génies. C'est bien pratique pour tout le monde de pouvoir avoir le choix entre cinquante-mille produits différents dans la plus petite des petites surfaces et d'avoir toujours le turc à proximité dispo jusqu'à huit heures du mat, heure d'ouverture du Monoprix. C'est cool pour tous de pouvoir se faire livrer à domicile depuis une boutique qui n'est jamais qu'à dix minutes à pinces, et c'est toujours bien sympa de pouvoir faire le trajet appart-maison parentale en voiture tous les week-ends plutôt que de prendre le train because vous comprenez c'est tellement chiant les transports en commun. On ne saurait évidemment pas se passer de télévision, même si l'on se plaît à cracher sur les informations, comme quoi on nous manipule tout ça, mais merde quoi, il faut bien s'IN-FOR-MER Kal, et à l'occasion s'avachir devant Plus belle la Vie, ou pire se prendre pour un cador en s'apitoyant sur la nullité des candidats présentés à 99% des jeux télévisés (qui au passage doivent justement être choisis pour leur néant intellectuel, c'est pas possible autrement), tout cela évidemment en se tapant des pubs qui sont certes agaçantes par leur côté interruptif mais peuvent souvent être "drôles", "touchantes" ou "bien faites"... non mais allô là-dedans, on se réveille, la télé prend les gens pour des cons et rend con, c'est un fait. N'empêche qu'il a tout de même plein de bons côtés, ce monde de merde dans lequel on vit, ce qui est bien la moindre des choses puisque le monde de merde en question, TOUT LE MONDE l'a voulu, tout le monde en profite, et celui qui râle sur de grandes idées désincarnées n'est visiblement pas inquiet de son propre niveau. Que le Système soit pourri et que le Monde s'écroule, tout ce qu'il reste à faire c'est creuser son propre trou, bien choisir les proches à mettre dedans et tenter de profiter simplement du tout sans se laisser bouffer par la Fièvre. Dit l'hystérique.
Vous êtes des animaux, et vous allez crever. C'est tout.

À côté de ça, il faut encore que je me prenne la tête sur la pérennité de la relation amoureuse, sur ma capacité à, sur le pourquoi du comment d'un redoutable manque de confiance en soi, sur combien doivent se monnayer dix-sept ans de baffes dans la gueule et de "t'es qu'une sous-merde ma fille", sur la nécessité (ou non) de régulières vidanges cérébrales à l'aide de substances diverses (incluant alcool, tabac et éclairs au café), sur la nature de l'Art, sur l'abrutissement progressif des foules, sur l'avenir lobotomisant qui m'attend, sur le temps nécessaire à un humain en fin de vie pour mourir enfin proprement alors que ça fait des mois que ça traîne à ses dépends, sur l'orgueil que je vais finir par prendre comme vertu ultime à défaut de pêché capital (on n'aura qu'à dire qu'avec de l'orgueil on peut au moins faire preuve d'honneur), sur les nombreuses portes qu'on lâche hurlantes en plein dans ma gueule et sur les moments fulgurants mais durablement cuisants où je tente d'écraser les quelques êtres que j'estime plus que moi-même : "toi aussi, mon fils".
Je tourne en boucle, interminablement. Des fois, ça part en crise d'agoraphobie et de sanglots incontrôlables, jusqu'à ce qu'on me rassure ou que je m'endorme. Après, la machine ralentit pendant quelques temps, jusqu'à la prochaine fois. C'est fatiguant, à la longue. Et précieux à en crever.

Anyway. J'ai dans mon salon de quoi m'occuper les mains : une dizaine de beaux cartons fraîchement recueillis dans lesquels j'envisage fermement de faire rentrer l'intégralité de ma bibliothèque, en future partance pour le Sud (où il paraît que le temps dure longtemps), ainsi que quelques longs rouleaux de chatterton pour sceller hermétiquement le tout. Demain je me mets au boulot.

Et sinon, de la musique avant toute chose : nourriture pour l'âme.

Premier mouvement, Arkona :
-Po Zverinym Tropam.
-Goi, Rode, Goi ! (grandiloquent).
-Yarilo (dansant et nastroviant).

Second mouvement, Sonata Arctica :
-Replica (catégorie lent mais puissant : et une gueulante, une).
-Fullmoon (une chanson à base de "run away").
-Letter to Dana (musique pour pleurer -et choper la chair de poule par trente degrés- numéro 22).
-Unopened (catchy).
-Weballergy (what a solo comme dirait l'autre).
-Victoria's secret (frissons bis, le retour).
-The gun (plus carré, plus massif, gros sabots).
-World in my eyes.

Ecrit par kaleria, le Jeudi 21 Juillet 2011, 03:22 dans la rubrique "# Niouzes".

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