Anton, Yvan, Sacha, Sonia
--> Dimitri, Yani, pôle emploi, et moi.
La saga continue au pays des bien
pensants, du contrôle tranquille et du discours moralisateur. C'est
que non contente d'avoir dû aller m'expliquer en bonne et due forme
une première fois (à l'issue de laquelle on m'avait d'ailleurs
assuré une paix royale jusqu'à la rentrée de septembre 2013,
m'enfin), il a fallu que j'y retourne pour une réunion
d'informatage en vue de réinsertion presto maestro. Le Conseil
Général du Prout n'aime pas tellement ses cas soc', et il est de
bon ton de les insérer (de force s'il le faut, ce qui colle bien au terme). Bon, je
croyais encore pouvoir réexpliquer mon cas, comme autrefois. Hé ben nan, cette période faste, cet âge d'or sont révolus. Qu'est-ce que tu croyais, hein ? Feignasse.
Bon déjà, réunion à 8h45 du matin.
Savent pas ce que c'est qu'une vie d'artiste : il y a
que pour certains êtres humains, il est physiquement impossible de
se lever avant 9h00. Voilà, un point c'est tout. Je suis résolue à
envoyer un mail à Amnesty International.
Cela dit, pas le choix, le
courrier en forme de lettre de créancier m'indiquait gentiment que
si je ne me présentais pas et que je n'avais pas d'excuse valable
(genre mot de l'infirmière scolaire ou des parents), je serais
purement et simplement radiée de Pôle emploi. Ouhlàlà, la loose,
je me sentirais alors vraiment une citoyenne de seconde zone. Surtout
que ça impliquerait que mon RSA, je n'aurais plus qu'à me le foutre au cul, et
j'ai d'autres projets, pour l'un comme pour l'autre.
Ensuite, gueule dans le pâté,
changement de pôle emploi par rapport à Avant, pas fais gaffe :
je me retrouve à l'autre bout de notre-belle-ville-de-bé, et pas de bol, c'est pas
çui-là, c'en est un autre. Et merrrrrte, je prends mon plus bel
accent allemand et chouigne auprès des chauffeurs de bus qui
chauffent et des passants qui passent pour trouver ma Terre Promise.
Fortune ! L'Arche Perdue sous ton paillasson.
J'arrive quand-même avec trois bons
quarts d'heure de retard (peux pas aller plus vite que la musique non
plus). Je rentre, je m'excuse, on me sermonne. Putain, j'aime pas.
Et là ça commence : nous sommes
dix, cinq rebeus, deux blacks, rien que ça ça me gave. Ils ont tous
une feuille de papier pliée devant eux avec leur nom et prénom
dessus, comme en cours d'anglais en CM2, ça me sur-gave. Un
Powerpoint défile avec des mots du genre « dynamisme »
et « responsabilité » surlignés et mis en gras, je
bouillonne intérieurement. Et évidemment, ça ne rate pas, vu que
je suis à la bourre ça me tombe dessus : et vous Kaleria,
qu'est-ce que vous faites pour trouver un emploi ? J'explique
mon cas. Combien d'échecs ? J'explique mon cas. Il serait
peut-être temps de se bouger non, vous ne pouvez pas compter sur ça
indéfiniment, d'ailleurs dans « RSA » il a un « a »
pour « active », vous le savez ça ? Bien sûr
connard, mais je t'explique mon cas encore, y a que ça qui
m'intéresse. Et un emploi de bureau, dans des ENTREPRISES (ah ça on
aime bien les entreprises, paraît même que dans notre-très-belle-ville-de-bé on est
très bien lotis en la matière), une vingtaine d'heures par semaine
voire plus voire moins ? Comment vous dire, tant que ça passe
je vois vraiment pas pourquoi j'irais me faire prendre pour une conne
par des abrutis que je vais haïr profondément pour être payée au
lance-pierre en CDD de deux mois (même qu'avec un peu de chance
j'aurai droit aux blagues graveleuses au coin de la machine à café
et que je pourrais bien décider, en conséquence, d'en tarter un ou deux), et d'ailleurs rien que le terme,
« entreprise », ça m'emmerde, ça m'évoque les grands
requins des multinationales, ceux qui s'engraissent sur notre dos en
bousillant nos vies, nos corps, notre environnement, donc non,
sans façon. Mais vous avez conscience qu'à un moment ça ne passera
plus quand-même, et que nous on est là pour agir en amont avant
qu'il ne soit trop tard ? Ce que vous me dites là, c'est qu'il
faut s'en sortir pour s'en sortir parce qu'il n'y a pas d'issue, et
que si on ne s'en sort pas ben y a pas d'issue, et que donc il faut
s'en sortir, merci je sais ; et range ton « amont » et tes pléonasmes, ton vocabulaire il me débecte.
J'ai lâché l'affaire, d'autant plus
que j'ai moyennement supporté la répétition en boucle des mêmes inepties simples, basiques, évidentes, comme si nous étions des demeurés, la
novlangue administrative bien-pensante et cette tendance à nous
prendre de haut en manifestant une volonté de nous responsabiliser,
dynamiser, manager, hors de question.
D'ici quinze jours je passe en mode
« entretien individuel toutes les deux semaines avec l'un des
quatre zozos » qui m'ont saoulée pendant deux plombes tout à l'heure, trop-ra-vie. J'envisage de tenter de mettre les choses au clair dès
le début :
-si vous voulez qu'on dialogue, vous me
tutoyez pas, vous m'appelez pas par mon prénom, on se connaît pas,
je suis pas votre pote, je suis pas avec vous, je suis pas « ensemble ».
-prière de me considérer comme votre
égale : vous êtes de l'autre côté du tableau noir, ça ne
vous rend pas meilleur(e).
-ne me servez pas votre discours sur la
responsabilisation, je vais partir en vrille et vous ressortir
statistiques et études sociologiques démontrant que le chômage
(comme la tôle), c'est largement plus complexe qu'une simple question de
volonté personnelle.
-ne tentez pas de m'embobiner avec
votre managérialisme à la con : je conchie les méthode de
développement personnel aussi bien que la logique
libérale-individualiste-compétitive qui nous oblige à gesticuler
dans tous les sens pour paraître « le plus »
dynamique-entreprenant-autonome-ambitieux-souriant-agressif-acharné-confiant-connecté.
Remballez vos contre-valeurs.
-ne me répétez pas quinze fois les
mêmes choses, et surtout, surtout, n'essayez pas de m'expliquer le
sens du mot « responsabilité », n'essayez pas de me
moraliser, ou je vous bouffe la gueule.
Pour mémoire et rigolade, morceaux choisis entendus ce matin :
-Conseillère : « Et à votre
avis, comment peut-on faire pour trouver un emploi ? »
-A. :
« Le piston ! »
-Conseillère : « Autrement dit,
le réseau, c'est le terme approprié. »
-A. : « Ouais,
le piston quoi ! »
(La novlangue démontée par A., merci
lui.)
-Conseillère : « Monter une micro-entreprise,
c'est exactement comme avoir un enfant, ça prend environ neuf mois
et il lui faut deux bras, deux jambes, tout, pour être
viable. »
-Conseillère : « Et selon vous,
pourquoi ne trouvez-vous pas d'emploi ? »
-A. : « C'est
la crise, c'est la crise ; je vais les voir sur les chantiers et ils
disent toujours, c'est la crise. »
(Ben merde, moi qui
croyais qu'il y avait du boulot dans le bâtiment mais que les
chômeurs, ces grosses feignasses, ne voulaient pas y
aller.)
-Conseillère : « Dynamisme et responsabilité,
qu'est-ce que ça évoque pour vous ? »
*gros
blanc*
-Conseillère : « C'est comme pour une équipe de
foot... vous aimez le foot, A. ? Oui ? Bon, pas moi, mais allons-y
pour le foot. Chercher un emploi avec dynamisme et responsabilité
c'est pareil qu'au foot : il y a l'entraîneur sur le côté mais
c'est vous qui avez le ballon au pied. »
(C'est bien,
écrase-nous donc de ta démagogie et de ton mépris de classe
dégueulasse @ « moa j'aime pas le foot mais l'exemple ira bien
pour vous ».)
-Et la palme revient à Conseiller
: « Le RSA, c'est pas pour rester chez soi. »
Après quoi on nous a demandé de
remplir un questionnaire en mettant exactement les mêmes choses que
ce qu'on avait expliqué à l'oral (non rempli par votre servante
évidemment, s'ils sont même pas foutus de prendre des notes sur nos
cas [sociaux]...), on a vérifié que nous savions bien tous lire en nous demandant
successivement de déchiffrer à haute voix une ou deux lignes de notre « contrat
d'encadrement ou-je-sais-pas » (sans doute que ça a dû
contribuer à nous « responsabiliser », et pourrait aussi avoir foutu la honte à la moitié de la salle qui galérait et qui n'avait sans doute pas envie que l'autre moitié le sache), et on nous
a distribué des feuilles blanches pour nous demander d'écrire (« de
façon anonyme » bien sûr !) ce qu'on avait pensé de cette
séance de mise en conformité. Et le carnaval a pris fin, enfin.
Une bonne clope et j'ai pu reprendre une activité normale et revenir à
mes révisions... j'espère sincèrement réussir à décrocher l'un
des putains d'oraux que je vais passer la semaine prochaine, ça me
donnerait la pleine et entière satisfaction de pouvoir y retourner
dans le seul et unique but de leur montrer mon cul.
Allez, ça ne se voit pas mais
dernièrement je suis d'excellente humeur en permanence.
Et donc, chansons pour rire :
-Little Big : Die Antwoord from
Russia, hop et hop (j'aime particulièrement la seconde).
-Histoire de se griller les quelques
neurones qu'il nous reste : La Cahuzacaise ! Ainsi que l'Étron libre de Véronique Genest (rigolisible) et... le mythique Allô de Nabila.
-Et un poil de ska pour la route, jump
jump !
Ecrit par kaleria, le Vendredi 7 Juin 2013, 14:49 dans la rubrique "# Niouzes".
Commentaires
Si t'es démoralisée par pôle emploi...
les cassos de lille
24-06-13 à 16:23
... écoute ça !!
--> http://www.youtube.com/watch?v=6i21QDCbzcY
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Oh, my...
kaleria
25-06-13 à 13:47
On n'est pas rendues avec ça.
Merci pour le coup d'rire. Cela dit j'avais déjà commencé à me remonter contre ces bâtards de barbares avec ceci.
(J'ai RDV demain d'ailleurs : vais me faire un plaisir d'y aller, parée à chier sur le paillasson même si on me dit qu'on me sucre mes 120 neuneus de RSA par mois si je refuse d'aller me faire agonir sous l'bureau et les godasses en croco du pédégé.)
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