God save the gouines.

Nous ne serons jamais des héros.

Tout va très bien pour K en cette belle soirée de juillet : le Coca light coule à flot, les entourages sont amicaux, son gramme elle a pécho. Transvasement habile d'un immonde sachet en plastique orange découpé-cramé à l'arrache jusqu'à l'un de ces petits paquet façon origami diaboliquement clean, pratique et étanche dont elle a le secret (son talent inutile numéro 74). C'est vrai quoi, comment peut-on vendre un produit aussi mal présenté à une clientèle quelconque ? Le commerce de la drogue, y a pas à dire, c'est plus ce que c'était. A leur place elle aurait honte. Y a plus de valeur. Roulage d'une belle paille bien propre dans un tiquet de carte bleue, triturage attentionné de l'objet entre ses petits doigts squelettique jusqu'à ce que celui-ci finisse par prendre la forme voulue : parfaite, sans bosse, sans accroc, sans aspérité, car mieux vaut mourir que d'en perdre une miette. Ramassage d'une quantité suffisante de grains maronnasses dans le fond du conteneur précité, écrasage minutieux à l'aide de la carte étudiante efficacement secondée par la carte Vitale sur le dernier Houellebecq (celui-là, il faut bien qu'il serve à quelque chose). Composition d'un beau trait bien droit, d'épaisseur et de hauteur à peu près égales sur toute sa longueur. Parée, elle est parée.
S'ensuit une contemplation pensive de la chose pendant de longues minutes. Le simple fait de penser à l'intrusion imminente de cette presque poudre dans son naseau droit lui colle un début de gerbe qui s'annonce tenace. Roulage d'une cigarette et remplissage de deux verres (eau d'un côté, Coca de l'autre) en prévision du massacre. Plus ouverture de la porte des chiottes et allumage de la lumière, on ne sait jamais, des fois que le coup parte tout seul. Ready, elle est ready et y a plus qu'à.
Inspiration, expiration, ravalage d'une salive qui menace déjà de dégouliner de lèvres mal cloisonnées, coinçage des cheveux derrière les oreilles et reniflette façon aspirateur, enfin. Après tout, c'est la première qui coûte.
Immédiatement, la nausée se fait plus impérieuse. D'où dépliage immédiat de son grand corps malade et mouvance énergique en direction des gogues, histoire d'éviter de dégueuler sur le parquet du salon squatté. Une fois arrivée à bon port, elle constate que les carottes se vomissent plutôt bien, par rapport aux M&M's testés la dernière fois ou aux spaghettis bolognaise de la semaine d'avant. Bon plan, les carottes, à retenir se dit-elle.
Expulsion dans un sens, absorption dans un autre. Décidément, elle ne se fera jamais à ce vieux goût âcre dans le fond de la glotte, qu'il est toutefois possible d'atténuer vaguement à l'aide de la clope précédemment roulée. Il fait plus chaud d'un seul coup, le champ de vision se rétrécit et la vie semble bien belle en cette jolie soirée de juillet, non vraiment.
Quelques minutes d'attente et il convient de s'en resservir une petite : un tu souffres, deux t'apprécies, la suite c'est pour le passage en mode loque humaine.
Six heures plus tard, le paquet est vide et la voilà de retour chez elle, avachie devant une vieille connerie de film dont elle ne se souviendra pas le lendemain, trop occupée qu'elle aura été à vomir consciencieusement toutes les cinq minutes dans la corbeille à papier judicieusement tapissée à cette occasion d'un sac poubelle qu'elle espère étanche (insoutenable suspense jusqu'au futur retour à la vie). Évidemment, elle se gratte comme une forcenée et songe rêveusement à la journée qui l'attend après le lever du soleil, ces courses à faire à droite à gauche, ces conversations à entretenir tout en étant encore perchée de la veille, sans sommeil, avec des papillons très énervés dans l'estomac. Il lui devient difficile de se déplacer et ses yeux lui bouffent la moitié du visage façon "lémurien lâché dans la rue piétonne". Elle ne pourra sans doute rien avaler avant le surlendemain et surtout pas de café, c'est moche.
Le soir finit par arriver sans qu'elle ne lui aie rien demandé, elle a l'impression d'avoir pris dix ans en vingt-quatre heures. Une bonne nuit de sommeil, une douche, un cheeseburger et il n'y paraîtra plus.
Oui, mais demain ?
Demain, il faudra en racheter.

BO de scribouillage : ici.

Ecrit par kaleria, le Lundi 4 Juillet 2011, 20:19 dans la rubrique "# Niouzes".

Repondre a cet article