Long discours enflammé numéro 73.
"J'ai appris qu'il y aurait une journée pour aller manifester à Paris, c'est tous frais payés sûrement (lol, ndA), j'y vais avec Machine, ça te dirait pas à toi ?"
Heu, non.
"Ah ok, ben j'aurais cru. Tant pis, on s'rappelle demain, bisous."
Non, définitivement non, je n'veux pas aller manifester, ni à Paris, ni ailleurs.
Parce que, comme d'habitude, il s'y trouvera tout un tas d'affreux gauchos ou anarchos pour blablater de ceci et de celà, des discours que plus ça va, moins j'supporte d'entendre.
Au cours de ma dernière soirée beuverie-débilités avec mes poteaux les plus antiques, l'un d'eux a trouvé le moyen, totalement hors sujet, de m'pomper l'air à coup de chansons punks anti-Sarko une bonne partie de la soirée. En boucle, et avec les salves d'injures qui vont avec : "Sarko facho, enculé, fils de Le Pen", j'en passe et des bien vertes. (Ne vous faites pas de fausses idées, j'adore le punk.)
"T'es au courant quand-même que l'mec a été élu à la base, nan ?"
M'en fous moi, je vois pas plus loin que le bout de mon nez, il fait des choses MAL le monsieur, je saurais même pas t'expliquer dans les détails mais je m'en fouuuus. Il a été élu parce que les gens sont tous des cons aveugles, moi j'ai la Vérité tu vois, et elle dit anarchie, elle dit la parole à la jeunesse, elle dit ouvrons grand les frontières et donnons-nous la main dans des rivières de miel, courons nus dans les champs de cannes à sucre. Police partout, justice nulle part, ON N'EN PEUT PLUS TU VOIS.
Allô ? Alli, allô, y a d'la merde dans l'tuyau ?
On s'réveille là, faut arrêter un peu les grandes idées bancales à deux francs basées sur des idéologies testées et retestées au cours des siècles et qui se sont toutes, successivement, dans un joli mouvement cyclique, cassé la gueule en beauté, magnifiquement, comme elles n'auraient pas pu mieux faire.
Faudrait pas non plus se prendre pour un grand révolutionnaire indépendant alors qu'on habite encore chez papa-maman, ou dans un appart bien rénové dont le loyer se paie tout seul avec une régularité métronomique (ça m'fait marrer ça, tous les quinzes du mois j'entend dire à droite à gauche que "j'ai plus de thunes oh my god c'est terrible, je vais devoir manger des pâtes pendant deux looooongues semaines t'imagines", et bizarrement quelle que soit la soirée où l'on se pointe par la suite, il y a toujours de la picole ou de la fume en masse, c'est bien connu, ça ne coûte pas cher).
Faudrait pas s'imaginer avoir tout compris de la souffrance du pays, voire de celle du monde, alors qu'on est en train de taper des études supérieures, situation sécurisée au maximum mais que certains trouvent encore le moyen de foirer : "nan mais nous on est des intellectuels tu vois, on étudie les choses de l'extérieur, on les comprend bien mieux que les gens qui les vivent de l'intérieur". Intellectuels mon cul, la culture c'est comme la confiture, moins t'en as plus tu l'étales.
Et dès que j'en croise, toujours les mêmes réflexions, plus ou moins nuancées, au sujet de la pitoyable situation de ces gens, "comme toi", qui ne pensent qu'à eux-mêmes et refusent de "payer de leur personne" pour les autres. Et si j'ai envie, moi, de me taper un ego-trip complet, de quel droit tu viens me regarder de haut là, comme ça, tranquillement sûr de ton fait ? Tu as les barrières qu'il faut dans ta tête pour comprendre le paradoxe fondamental de ton attitude ? T'as la télé chez toi ? Tu manges bio ? Tu as une marque de pompe préférée ? Tu t'habilles chez qui ? Tu fais tes courses au Liddle ou au Leclerc ? Tu passes combien de temps tous les matins à réfléchir à l'apparence que tu vas avoir toute la journée ? Dans quelle mesure tu estimes que tout ce que tu as t'appartient de droit ? T'es légitime, dans ta tête ? Tu m'écoutes quand j'te parle ?
Mais les gens "comme moi", si tant est qu'il y en ai pour de bon (parce qu'il y a comme et comme), ils ont au moins le réalisme de reconnaître l'ambiguïté et le danger de toute situation, y compris la leur.
Oui, en restant à l'écart de tout mouvement, on ne fait pas grand chose. Mais comment agir autrement, quand on voit le mouvement comme un abrutissement sur le long terme ? Il y a une unité, une communauté qui se créé, avec ses principes, ses refus, ses interdits évidemment, c'est comme ça que ça se passe chez Mac'Donald, et vogue la galère, ses signes distinctifs (égale exclusifs de ceux qui n'en sont pas porteurs, à plus ou moins grande échelle, et c'est dans la marche normale des choses, on ne peut pas aimer tout le monde). Il y a la protestation contre quelque chose que l'on ne connaît pas toujours vraiment à fond, on finit par comprendre que l'on pourra difficilement la changer simplement en protestant, alors que fait-on ? On bloque la FAC (pour commencer, petite échelle, la mienne).
Bloquer la FAC, non mais je vous jure. Autrement dit, t'as un certain nombre de personnes qui ont décidé, comme ça, que d'autres ne pourraient plus avoir de cours, même s'ils en veulent, même si les enseignants pourraient avoir envie d'en proposer. J'comprend l'idée, elle n'est pas condamnable en soi, comme beaucoup de ses copines. N'empêche qu'il faudrait quand-même voir à réfléchir un peu au paradoxal de la chose.
Il paraît qu'il y a d'autres endroits où rien ne se passe, comme s'il n'y avait aucun problème à la base. D'autres milieux, peut-être plus ancrés dans la vraie vie que nous ne le sommes, nous autres étudiants en sciences humaines, ça ne m'étonnerait même pas, j'trouverais ça même tellement logique que hop, j'adhère au passage à mes propres dires (c'est bien fait quand-même). Un milieu un peu comme celui des vrais gens, ceux qui ont voté Sarko par exemple.
N'empêche que c'est tout de même un affreux ce type là, depuis son avènement on ne peut plus fumer dans les bars et les flics, dans mon bled, ont des scooters encore plus moches qu'avant (je me demande dans quelle mesure la police française est jumelée avec l'entreprise BMW, ça doit bien renforcer les relations franco-allemandes encore cette connerie). En fait il y a tout plein de choses que je ne cautionne pas, comme toujours. Et tout plein d'autres que je regarde d'un oeil "oui bon ok, could be nice". Comme toujours, on ne s'en lasse pas.
Tous ces discours de "non, on n'en veut pas".
Si un des ces quatre les petits cons à leur maman se retrouvent à poser des bombes au parlement, elle aurait tout intérêt à filer au Brésil avec ses quelques économies et sa brosse à dent, on finirait par la cramer sur un bûcher au nom de la Grande Idée qu'elle ne l'a même pas partagée, la gueuse. C'est aussi ce qui se passera si rien ne se passe, je crois : elle consomme pas assez, elle rentre pas dans le rang, elle est improductive, elle remet toujours tout en question, en plus elle est pas belle, elle gâche le paysage, ça a le don de faire peur aux honnêtes citoyens ce genre d'épouvantails ambulants, allez hop dans l'feu la Chose.
Il y a un revers à toute médaille, ayant conscience de Ceci, je ne peux adhérer à rien. A peine tenter de me construire une "morale" personnelle basée sur une constante remise en question et la poursuite d'une perfectibilité vers quelque chose d'absolument illusoire (ça tombe bien, ça sert à merveille l'idée), foutre la paix aux gens tant qu'ils daignent, dans leur infinie bonté, me laisser dans une tranquillité royale quant à mes actes et pensées, qui ne sont de toute manière jamais bien méchants vu qu'ils ne regardent que moi.
C'est tout de même pas difficile de tenter de peser, imparfaitement, le pour et le contre de telle ou telle chose, si ?
Heureusement, tous les gens ne sont pas des abrutis finis. Mais j'en connais beaucoup, et ça m'agace.
Histoire de finir sur une note réellement essentielle, deux petites chansons, pour mélancoliser ou glander en beauté dans sa chaumière.
Ecrit par kaleria, le Mardi 31 Mars 2009, 04:17 dans la rubrique "# Niouzes".